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Le Sponsus ou Jeu des vierges sages et des vierges folles



D’après le manuscrit Paris BN Lat. 1139

J’ai tenté de donner ici une transcription relativement diplomatique du manuscrit. Les lettres soulignées sont celles qui font l’objet d’abréviations. J’ai respecté les majuscules et minuscules du manuscrit. En revanche, j’ai disposé les vers et séparé les mots selon des conventions modernes. J’ai également utilisé u et v, i et j : le manuscrit ne distingue bien sûr pas, pour u et i, entre la forme consonne et la forme voyelle.

Le lecteur trouvera en plus une transcription phonétique complète des vers en langue vulgaire. Je ne prétends nullement accéder à la Vérité, mais seulement proposer une solution pratique, qui soit si possible plausible et cohérente en vue du chant. En plus des signes phonétiques, j’ai noté des accents (apostrophes placées avant les voyelles accentuées), qui correspondent à ceux de la langue vulgaire. Pour certains emprunts latins, j’ai préféré une accentuation « vulgaire ». Ainsi noté-je virgínes alors que le latin réclame vírgines. De cette manière, je rends ce mot « féminin » : sa syllabe finale peut donc faire l’objet d’une césure épique. De oleó, (au lieu de de óleo qui serait orthodoxe en latin) correspond aussi à une scansion « vulgaire » de cet hémistiche, qui entre ainsi mieux dans le schéma du décasyllabe. Tout cela est bien sûr sujet à discussion. Quoiqu’il en soit, l’interprète doit se sentir libre de ne pas marquer systématiquement tous les accents notés et de faire reposer sa diction sur une minorité d’entre eux seulement. Seuls les « posés » principaux que sont la césure et la rime me paraissent incontournables.


[f° 53r]


SPONSUS


Adest sponsus [f° 53v] qui est christus (Footnote: On lit xpistus, dont les deux premières lettres sont un chi et un rho grecs.) vigilate virgines

pro adventu cuius gaudent et gaudebunt homines

Venit enim liberare gentium origines

quas per primam sibi matrem subiugarunt demones

Hic est adam qui secundus per propheta dicitur

per quem scelus primi ade a nobis diluitur

Hic pependit ut celesti patrie nos redderet

ac de parte inimici liberos nos traheret

Venit sponsus qui nostrorum scelerum piacula

morte lavit atque crucis sustulit patibula


PRUDENTES (Footnote: Les éditeurs s’accordent à juger aberrante la rubrique Prudentes (les vierges sages) : ces strophes sont unanimement attribuées à l’ange Gabriel.)


Oiet virgines aiso que vos dirum

[ojˈɛt virdʒˈines ai̯sˈɔ ke vˈos dirˈom]

aiset (Footnote: Certains éditeurs lisent aisex.) presen que vos comandarum

[ai̯sˈɛt prezˈɛn ke vˈos komandarˈom]

atendet un espos jesu (Footnote: On lit ihsu, l’h figurant un êta grec et l’s étant figuré par une barre sur l’h.) salvaire a nom

[atendˈɛt yn espˈos dʒezˈy salvˈai̯re a nˈom]

Gaire no·i [f° 54r] dormet

[gˈai̯re noi̯ dormˈɛt]

Aisel espos que vos hor’atendet (Footnote: La majorité des éditeurs considèrent ce vers comme faisant partie du refrain. De cette manière, on a quatre strophes de trois vers, suivies chaque fois par un refrain de deux vers. L’examen des rimes parle également en faveur de cette lecture. En revanche, il apparaît que le scribe a considéré ce vers comme le premier de la seconde strophe, créant ainsi une strophe « irrégulière » de quatre vers : il a en effet écrit aisel avec la majuscule qu’il réserve au commencement des strophes et, au vers suivant, venit sans cette majuscule.)

[ai̯sˈel espˈos ke vˈoz ˈor atendˈɛt]

venit en terra per los vostres pechet

[venˈit en tˈɛrra per los vˈostres petʃˈɛt]

de la virgine (Footnote: virgine\ : le mot est suivi d’une petite barre oblique.) en betleem fo net

[de la virdʒˈine en betle.ˈem fˈo nˈɛt]

e flum jorda lavet e bateet

[e flˈym dʒordˈɑ lavˈɛt e batéjˈɛt]

Gaire (Footnote: Il faut bien sûr lire Gaire no·i dormet et, si on le considère comme faisant partie du refrain, ajouter le vers Aisel espos que vos hor’atendet.)

 

Eu fo batut gablet e laidenjet

[ˈeu̯ fˈo batˈyt gablˈɛt e lai̯dendʒˈɛt]

sus e la crot batut e claufiget

[sˈyz e la krˈot batˈyt e klau̯fidʒˈɛt]

(D) (Footnote: Ce D isolé correspond à ce que Thomas appelle une « rubrique égarée ». Il est probable qu’il ait été destiné à la première occurence du refrain dolentas chaitivas trop i avem dormit, quelques lignes plus bas sur le même folio, à laquelle la rubrique, en effet, manque.) eu monumen desoentre pauset

[ˈeu̯ monymˈen deso.ˈentre pau̯zˈɛt]

Gaire

 

E resors es la scriptura o dii

[e resˈorz ˈes la skriptˈyr ˈo di.ˈi]

gabriels soi eu [m’a] (Footnote: L’ajout de [m’a] est suggéré par Avalle. Thomas, quant à lui, propose eu [en]trames aici.) trames aici

[gabriˈ.els sˈoi̯ ˈeu̯ mˈa tramˈez ai̯tsˈi]

atendet lo que ja venra praici

[atendˈɛt lˈo ke dʒˈa venrˈa prai̯tsˈi]

Gaire

 


FATUE

Nos virgines que ad vos venimus

negligenter oleum fundimus (Footnote: On attendrait le parfait fudimus.)

ad vos orare sorores cupimus

ut et illas quibus nos credimus

dolentas chaitivas trop i avem dormit

[dolˈentas tʃai̯tˈivas trˈɔp i avˈem dormˈit]

Nos co[f° 54v]mites huius itineris

et sorores ejusdem generis

quamvis male contigit miseris

potestis nos reddere superis

Do (Footnote: Il faut bien sûr reprendre le refrain Dolentas chaitivas trop i avem dormit.)

Partimini lume lampadibus

pie sitis insipientibus

pulse ne nos simus a foribus

cum vos sponsus vocet in sedibus

Dole


PRUDENTES (Footnote: En plus de la rubrique PRUDENTES bien visible à la fin d’une ligne, on trouve, en regard et à peine visible dans la marge de gauche, les lettres pru-/de qu’il faut probablement interpréter comme une indication du scribe au rubricateur.)


Nos precari precamur amplius

desinite sorores otius

vobis enim nil erit melius

dare preces pro hoc ulterius

Dolentas (Footnote: Ici, et au refrain suivant, comme ce sont les vierges sages qui parlent, certains éditeurs suppléent Dolentas chaitivas trop i avet dormit.)

Ac ite nunc ite celeriter

ac vendentes rogate dulciter

ut oleum vestris lampadibus

dent equidem vobis inertibus

Do


[FATUE] (Footnote: Il n’y a pas de rubrique. Le changement de personnage n’est signalé que par une grande majuscule initiale, et par le retour du thème musical de la première intervention des vierges folles.)


A misere nos hic quid facimus

vigilare numquid po[f° 55r]tuimus

hunc laborem que[m] nunc perferimus

nobis nosmed contulimus

Dol

Et de nobis mercator otius

quas habeat merces quas sotius

oleum nunc querere venimus

negligenter quod nosme fundimus (Footnote: Ici aussi, on attendrait le parfait fudimus.)


[PRUDENTES] (Footnote: Il n’y a ni rubrique ni grande majuscule. Seul le retour du thème musical des vierges sages signale le changement de personnage.)


De nostr’oli queret nos a doner

[de nostrˈɔli kerˈɛt nˈoz a donˈɛr]

no·n auret pont alet en achapter

[nˈon au̯rˈɛt pˈont alˈɛt en atʃaptˈɛr]

deus merchaans que lai veet ester

[dˈeu̯s mertʃa.ɑns ke lˈai̯ vejˈɛt estˈɛr]

Dol

 


MERCATORES (Footnote: Cette rubrique se trouve dans la marge de droite, sur trois lignes : MER/CATO/RES.)


Domnas gentils no vos covent ester

[dˈomnas dʒentˈils nˈo vˈos kovˈent estˈɛr]

ni lojamen aici a demorer

[ni lodʒamˈen ai̯tsˈi a demorˈɛr]

cosel queret no·u vos poem doner

[kosˈel kerˈɛt nˈou̯ vˈos po.ˈem donˈɛr]

queret lo deu chi vos pot coseler

[kerˈɛt lo dˈɛu̯ ki vˈos pˈɔt koselˈɛr]

 

 

Alet areir’a vostras sinc seros

[alˈɛt arˈɛi̯r a vˈostras sˈink serˈos]

e prejat las per deu lo glorios

[e predʒˈat lˈas per dˈɛu̯ lo gloriˈos]

de oleo fasen socors a vos

[de ole.ˈo fˈasen sokˈors a vˈos]

faites o tost que ja venra l’espos

[fˈai̯tez ˈo tˈɔst ke dʒˈa venrˈa lespˈos]


[FATUE] (Footnote: Il n’y a pas de rubrique, mais seulement une grande majuscule et, dans la marge de gauche, à peine visible, l’indication fa, probablement notée par le scribe à l’intention du rubricateur.)


[f°55r]A misere nos ad quid venimus

nil est enim illut quot querimus

fatatum est et nos videbimus

ad nuptias numquam intrabimus

Dol


MODO VENIAT SPONSUS (Footnote: C’est ici que le scribe a, très discrètement, noté dans la marge de gauche modo/ ve/ni/at/ spon/sus. Le rubricateur a reporté cette didascalie dans l’interligne, au dessus de la rubrique CHRISTUS qui suit. On comprend généralement que l’Epoux fait son entrée avant la dernière strophe des vierges folles, qui s’adressent alors directement à lui. À partir de ce point, la musique manque.)


Audi sponse voces plangentium

aperire fac nobis ostium

cum sociis prebe remedium


CHRISTUS (Footnote: On lit XPS, pour chi, rho, sigma. Le P est surmonté d’une barre. On a également, dans la marge de gauche, l’indication XPS.)


Amen dico vos ignosco nam caretis lumine

quod qui pergunt (Footnote: Les éditeurs proposent en général, pour donner un sens à ce vers et pour éviter la répétition de pergunt, de lire ici perdunt.) procul pergunt huius aule lumine (Footnote: Certains éditeurs proposent limine, pour éviter la répétition de lumine, mais cette correction n’est nullement indispensable.)


Alet chaitivas (Footnote: On a l’impression de lire chaitiuns.) alet malaüreas

[alˈɛt tʃaitˈivas alˈɛt mala.yrˈɛjas]

a tot jors mais vos so penas livreas

[a tˈot dʒˈors mˈai̯s vˈos sˈo pˈenas livrˈɛjas]

en efern ora seret meneias

[en efˈɛrn ˈora serˈɛt menˈɛjas]


Modo accipiant eas (Footnote: Le mot eas a été rajouté juste au-dessus de accipiant demones. La suite de cette didascalie, depuis et precipitentur, est notée encore au-dessus, dans l’interligne.) demones et precipitentur in infernum


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Footnotes: