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DEFENSES DE LOUIS MEI-

gręt touc̨hant son Orthographíe Franc̨oęze

contre lęs c̨ensures ę calomnies de Glau

malis du Vezelet, ę de ses

adherans.

Come j’ac̨heuoę de reuoęr vn trętté qe j’ey dressé c̨et yuęr touc̨hant la grammęre Franc̨oęze, j’ey u c̨ę’ derniers jours nouuęlles d’vn tretté intitulé

de l’Antique escripture de la langue françoyse & de la poesie, contre l’Orthographe des Maigretistes.

Ę come je ne visse la, le nom de l’aotheur, j’ey tourné feulłęt, ę ey trouué ao subseqęnt, ę ęn tę́te, q’vn c̨ęrtein Glaumalis du Vezelet l’addressoęt a Philipe le Brun vic̨erecteur de Valenc̨e. Mę́s come c̨e nom me sęmblát fort etranje, ę hors du cataloge de nós seins, dęq’els nous auons de coutume lęs ęmprunter comunemęnt : ou bien dęs Ęmpereurs, Roę́s ę capiteines, ou aotres homes de gran’ renom, dont lęs hystoęres nou’ portet temoŋ̃aje : je me suys douté qe c̨’etoęt vn nom nouueao forjé de vielłe’ piec̨es de qelq’ aotre : tout einsi degyzé ę renouvęllé q’ont de coutume de fę́re lę’ fripiers donans nouuęlle forme ao’ viels halłons.

Parqoę come je considerasse la comune fac̨on de fę́re dę’ Franc̨oęs a c̨herc̨hęr qelqe bon ręncontre par vn nouueao assęmblemęnt de voęs [p. 4] ou lęttręs, ęn dezassęmblant c̨ęlles de leur propre nom, ę surnom, j’ey incontinant pęnsé qe c̨e ręnuersemęnt n’etoęt point fęt a c̨ete fin, attęndu qe le tout ęnsęmblé ne sinifie rien qi valłe, ne dont on puysse tirer qelqe bon sęns. Parqoę il faot inferer q’il n’ęt q’un degysemęnt de nom pour n’ętre point conu : c̨e qe peut auenir d’une bon’ occazion aosi tót qe d’une maoueze. Il se treuue de vrey qelqe foęs dęs homes qi męttet de bien bones euures ęn lumiere : creŋ̃ans toutefoęs, q’elles ne soę́t pas si pęrfęttes q’il ne s’y treuue qelqe c̨hoze díne de reprehęnsion, il’ eymet mieus lęsser toute la gloęre de l’euure a vn aotheur inc̨ęrtein, q’en la c̨herc̨hant se mettr’ ao danjier d’un’ attac̨he. Mę́s aosi s’ęn treuue il d’aotres, q’on appęlle medizans honteus, creintifs, ę de lac̨he ceur, qi a c̨ete caoze ne voulans ętre decouuęrs, degyzet leurs noms.

Come donqes je rec̨erc̨hoę ęn dezassęmblant, puis rassęmblant ęn je ne sey qans sortes lę’ lęttres de c̨e Glaumalis du Vezelet, j’ey trouué selon le comun abus d’ecrire, joint l’opiníon q’on peut tirer de l’euure, qe qelqe Gylłaome y etoęt cac̨hé : Ie diroę bien le demourant si je vouloę si c̨e n’estoęt q’il prí’ ao comęncemęnt monsieur le Vic̨erecteur de ne tirer sa doctrin’ ęn conseqęnc̨e : ę qe c̨e qe pour l’heure il ęn dit n’ęt pas opiníon pour laqęll’ il veulłe mourir : promettant (contre la nature d’vn vrey Gylłaome) de c̨hanjer d’auis si par c̨y [p. 5] apręs il voęt de melłeurs ręzons, qe c̨ęlles q’il a pu voęr par c̨y auant.

Aosi ny a il point de doute q’a l’ordre q’il tient ęn sa disputac̨íon, il montre bien q’il a vu a yeus clós, toutes lę’ ręzons qe j’ey deduit pour confuter l’abus dęs superfluités dę’ lęttres, ę la confuzion q’on fęt de leurs puyssanc̨es ny ne puys croęre (qelqe jeunęsse q’il allęge) q’une tęll’ euure qe la siene ne requere bien pour le moins l’aje de huyt a neuf ans : si c̨e n’etoęt qe tout einsi q’on dit, qe la malic̨e supplíe lęs ans, le nom d’vn vrey Gylłaome supplíat aosi sa sapięnc̨e toute tęll’ ęn tous ajes, q’a sa nęssanc̨’ il a apporté du vęntre de sa mere.

Or combien q’ęn toutes disputac̨ions, soęt ęs ars, ę sięnc̨es, ou ęn caozes judic̨ięres, on eyt de coutume de repondr’ a tous lę’ poins propozez par c̨eluy q’on veut confuter : c̨e bon Gylłaome, (ou pour le moins c̨eluy qiconq’ il soęt qi ęn l’auouant a mis sa c̨ęnsure tant bien dijeré’ ęn lumiere) na point fęt de difficulté de monter ęn la c̨hiere de sa quinte, ę de doner aodac̨ieuzemęnt son arręt, come si je l’uss’ elu pour mon juje : ę la, ou come partí’ auęrse il deuoęt repondr’ à tous lę’ poins qe j’ey mis ęn auant pour luy appręndr’ a bien ecrire, il lęs a tenu ęn vrey Gylłaome, pour confutés.

Il ęt vręy toutefoęs qe s’il etoęt aosi gran’ docteur q’il ęt outrecuydé, il pourroęt parauantur’ vzer du priuileje qe s’uzurpet lęs aotres ęs aotres facultés : c̨’ęt q’il suffít q’ils donet leur jujemęnt [p. 6] sur lęs opinions dęs aotres, sans vzer de confutac̨íon. Si ne trouue je pas toutefoęs Gylłaome q’il te soęt lic̨ite, ny a aotre d’ętre partí’ ę juje. Aosi voyons nous comunemęnt ęn Franc̨e q’vn juje de qelqe qalité q’il soęt, qitte sa plac̨e, s’il auięnt q’on plędde vne caoze qi luy touc̨he : ę forcę l’on son auocat, ou sa pęrsone mę́me (s’il luy ęt permis de plędder la siene) de repondr’ a tou’ lę’ poins q’a propozé sa partí’ auęrse : a laqell’ il ęt lic̨it’ aosi de repliqer, ę a luy de dupliqer : finablemęnt on dit parties oíes &c.

Si donqes c̨eus qi sont ordonez jujes dęs aotres ne lę’ peuuet ętr’ ęn leur propre caoze, de qęll’ arroganc̨e s’uzurpera c̨et’ aothorité Gylłaome, ny aotre s’il ęt ęn caoze, sans aocune contreinte de ręndre rę́zon de son dire ? A qoę voudra il qe je le rec̨oęue díne d’ętre dit docteur, s’il ne ręnt ręzon de son sauoęr, s’il ne confute par viues ręzons les opinions contrę́res ?

Or affin qe je ne sęmble tumber en la mę́me coulpe q’a fęt c̨e bon docteur, ę ses complic̨es, ęn c̨e q’ęn blamant mę́s auis touc̨hant l’abus de l’ecritture, il a tu, de calomníe, ou d’iŋ̃oranc̨e, lę’ princ̨ipes, ę discours de ręzon qe j’ey mis ęn auant, j’ey auizé de rec̨iter tou’ lę’ passajes de son epitre, sans omettre rien de c̨e q’il a discouru pour lę’ conforter : Ę obseruerey non seulemęnt l’ordre de son langaje, mę́s aosi l’arc̨hitęcture de l’ecritture, q’il dit ętre dęs sauans : ę a la qęlle (com’ il dit) se doęt ranjer la vray’ ę nayue prononc̨íac̨íon [p. 7] franc̨oęze.

Ęntęndez donc qe c̨e Gylłaome n’ęntre pas ęn matiere contre mę́s auiz qe juqes a la dizieme pajée, comęnc̨ant sur la fin de c̨ete sorte.

Au demourant Monsieur pour venir a nostre question de l’escripture Francoise, qui est le principal point, que nous debattons entre nous plus souuent. E pour scauoir si leur facon d’escripre, est plus a suyure, que la nostre : Ie vous veulx bien aduertir, que j’ay naturellement en recommandation ceulx qui par gentilesse & habilité d’esperit s’efforcent de trouuer quelques choses profitables. Parquoy je loue l’inuention tant soit elle maigre, ou (comme vous dictes par diminutif) maigrette, de ceulx qui nous veulent faire escripre comme nous prononcons, pourueu que la prononciation fust bonne & non vicieuse. Et voyla en quoy je seroy bien d’accord auec’ eulx.

Vous voyez donc come Gylłaome’ ęt de tous bons accórs, trouuant bien ręzonable qe l’ecritture qadr’ a la prononc̨iacion : pouruu q’ęlle soęt bone. Il me sęmble Gylłaome qe je l’ey assez souuęnt dit ajoutant d’auantaje, q’einsi qe l’uzaje de la prononc̨íac̨íon franc̨oęze chanjera, qe l’ecritture deura fę́re le sęmblable : attęndu q’elle n’ęt qe son imaje : ę s’il sęmble bon a Gylłaome de nous pourtrę́re vn’ ecritture de l’anc̨ien vsaje de parler ja delęssé, il luy sera lic̨ite : pouruu q’il la nous liure pour tęlle, ę non pour c̨ęlle qi ęt nec̨essęre a c̨eluy qi ęt aojourdhuy ęn aothorité, [p. 8] d’un’ aotre prononc̨íac̨íon.

Il n’y a point de doute qe si Gylłaome veut il ecrira ly homs : se aosi il se ioue de le nous fę́re passer pour c̨e qe nous dizons lęs homes, on ne luy fera point de tort de le tenir pour vn rę́ueur. Ao demourant ęn qelqe sęns qe Gylłaom’ ę sęs adherans prenet l’inuęnc̨íon męgrette, je trouue qe toute ręzon veritabl’ ęt moęleuze : ę s’il vouloę́t sous couleur, d’vne conuenanc̨e de vocables, m’attribúer c̨et honeur, ils feroę́t tort a la premier’ inuęnc̨íon dę’ lettres, ę a ceus qi ęn ont eté les aotheurs.

C̨e n’ęt pas d’aojourdhuy męssieurs lęs Gylłaomistes, q’on dit, q’il faot ecrire com’ on prononc̨e : ę si vou’ vous fussiez aosi bien amuze a voęr mon prohęme du Luc̨ían, come vous auez eté promz de monter sur vós grans ánes (ie cuydoę dire c̨heuaos) pour sans aotr’ inqizic̨íon de mon dire, ne de męs ręzons doner a tort, ę a trauęrs de furíe com’ vn sanglier (hors qe vous n’auez pas lęs defęnses si danjereuzes) vous m’ussiez trouué garny de l’aothorité de Quintilian dizant le sęmblable. Ę si dauantaje vous ussiez eté homes de ręzon, ę doc̨iles, vou’ vous fussiez contenté de la diffinic̨íon de la lęttre, qui n’ęt q’imaje de voęs : ę de c̨ęlle de l’ecritture, qe toutes nac̨ions tienet pour imaje dę’ vocables, ę de la prononc̨íac̨íon.

Or passons outre ę ęn lęssant l’auis de Gylłaome touc̨hant nó’ lęttres, ę si nous ęn auons u d’aotres aotrefoęs, ou non, ou si nou’ lęs auons [p. 9] prins dę’ Latins, ou non, je ne m’ęn souc̨íe : ne s’il nous ęt nec̨essę́re de recourir ao’ Romeins, ou non, si c̨e n’ęt pour doner aothorité a nós auís : car la plus gran’ partie du monde pręnt, je ne sey qęll’ opinion ęn aocuns homes, beaocoup plus grande q’ęn la rę́zon, fęzant ęn c̨ela tout a rebours vu qe l’home ne pręnt, ny nęt díne de nom d’home, sinon de tant q’il ęt rę́zonable.

Pour toutefoęs contęnter Gylłaome, je suys tręcontant qe pour sauoęr la nayue puyssanc̨e dę’ lęttres nous y recouryons : c̨e qe j’ęntens dę’ anciens Romeins. Ę apręs qe c̨e souuerein docteur a propozé c̨es c̨hozes come premisses de sęs c̨ęnsures, il ęntr’ ęn camp, dizant c̨ę’ parolles.

Cela premis je viens a la question de l’orthographe qui est de ce que nostre prononciation ne s’accorde pas auec l’escripture. Ceulx cy trouuent cela fort estrange, & je le trouue vn peu mal gracieux : mais ils veulent reigler l’escripture selon la prononciation, & il sembleroit plus conuenant reigler la prononciation selon l’escripture : pource que la prononciation vsurpée de tout le peuple auquel le plus grand nombre est des idiots, & indoctes, est plus facile a corrompre que l’escripture propre aux gens scauants. A quoy je croy que ces gens nouueaulx ont bien auisé : Mais voyant qu’il estoit presque impossible d’oster vne opinion enuiellie au commun peuple, ils ont mieux aymé tascher de rendre les lettres fols,

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que de faire le vulgaire sage. Et par ce moyen je pourrois r’abbatre leur argument de superfluité, en disant qu’il n’y en a point en l’escripture, mais que plustost il y en a en la prononciation en ces vocales teste, beste, monstre : veu mesmement que les autres langues vulgaires, Italienne & Espaignole prononcent l,s. Mais je ne veux oster la doulceur de nostre prononçiation en la quelle sur toutes aultres nostre langue Françoise est excellente pour laquelle observer il vault mieux prononcer tout ce qui est escript.

Voyez ic̨y la folle, ę aodac̨ieuze bętize de c̨e Gylłaome voulant corrompre le vif pour satisfę́r’ a la portrętture. Voyez aosi son incontance, ę tramport de son sens, ę memoęre : vu qe come ie vous ey ja dit par c̨y auant, il loue l’inuęnc̨íon de ceus qi nous veulet fę́r’ ecrire come nous prononc̨ons : pouruu qe la prononc̨iac̨ion fut bone, ę non vic̨ieuze, de sorte qe c̨e pouure Gylłaom’ ęt tumbé ęn frenezíe qe le langaje dont nous vzons n’ęt pas bon, par c̨e q’il nęt pas prononc̨é selon sa sientifiq’ ecritture : combien qe je voudroę bien sauoęr de c̨e jentil Gylłaome, a qęlles armes il a conqis c̨et’ aothorité, de sorte qe sa plum’ eyt plus de pouuoęr sur la libęrté d’un peuple pour acc̨epter ou rejetter vn langaje, qe n’ont lę’ princ̨es mę́mes : attęndu qe le seul vzaje, ęn ęt l’aotheur.

Ę combien q’un princ̨e nou’ pourroęt forc̨er a la rec̨epc̨íon de qelqes vocables, si toutefoęs [p. 11] l’oręlłe ne l’ac̨ępte, nou’ l’estimerons barbar’ ę rudde qoę qe nous ęn ayons l’intellijęnc̨e. Or s’abuze Gylłaom’ ęn la rę́zon q’il męt, q’attęndu qe le langaj’ ęt plus facil’ a corrompre par c̨ete grande tourbe d’idíos qe n’ęt l’ecritture dęs jęns sauans : nous aotres jęns nouueaos auons plutót ęntreprins d’abuzer lę’ lęttrés, qe de fę́re le vulgę́re saje : d’aotant premieremęnt, q’vn langaje n’a point d’aothorité sinon de tant q’il ęt aggreabl’ a tout le peuple, ou pour le moins a la plus gran’ partíe : ę combien qe tous ne s’amuzet pas a propremęnt ę elegammęnt parler, il ne lęsset pas pourtant a auoęr aggreabl’ vne bon’ eloqęnc̨e : fezans tout einsi qe c̨ęus qi entęndans la muziqe, ę n’ayans la grac̨e de la gorje ne lęsset pas pourtant a pręndre plęzir ęn vne muziqe bien c̨hantée.

Ę quant a c̨e qe dit Gylłaome qe l’ecritture dęs sauans n’ęt pas ę́zée a corrupsíon, il ne luy souuient plus de c̨e q’il a dit ao comęnc̨emęnt de son epitre, q’il ęt impossible q’vne lange demeure tousjours ęn son ęntier, de sorte q’elle ne c̨hanje jamęs : car on trouuera ęn vieus liures (com’ il dit) q’a gran’ peine pourra l’on ęntęndre troęs ou qatre mós d’une pajé’ ęntiere. Il ęt donc bien ręzonable monsieur notre mę́tre de recourir plutót a luzaje de la parolle qi c̨hanje, q’à vn’ ecritture, ęn la qęlle on peut plutót falłir, vu la mutac̨íon ordinęre d’vne lange ao bon plęzir de l’oręlle du peuple.

Parqoę votre discours ęn [p. 12] c̨e qe nous ayons mieus eymé abuzer lę’ lęttres qe d’amęnder le vulgęre, come le voyant impossible, a eté aosi lejieremęnt dijeré, q’il a eté propozé. Car quant a moę je n’ey jamęs u aotre fantazíe, qe de ranjer contre l’opinion dę’ Gylłemins l’ecrittur’ a la prononc̨íac̨íon, come le peintre fet, ao moins mal q’il luy ęt possible son pourtręt ao vif : ny n’ey jamęs tant prezumé de ma suffisanc̨e, ny ne suys point tumbé ęn vne si grand’ oultrecuydanc̨e, qe de vouloęr par vne si arrogant’ ę foll’ ęntreprinze supprimer vn langaje tant bien rec̨u, ę tant grac̨ieus a l’oreilłe : pour leur ęn introduir’ vn nouueao. Ę la ou je l’usse voulu fę́re, j’usse plutót mis ęn auant la lange Latine qe la bararíe, ou jargon de l’ecritture de Gylłaome, ęn c̨e q’elle corromt lęs vocables de superfluité de lettres.

Or c̨a q’ęlle reponse pourroę’ tu fęr’ a vn peintre, ou bien ęn qoę le pourroę’ tu blamer, qi se fortifíant de la mę́me rę́zon qe toy pour assujęttir le vif a son pinc̨eao, come tu fęs la prononc̨íac̨íon a ta plume, te pourtrahya aotremęnt qe ne sont le’ tręs, tein, ę parties de ta face ? Ou bien qe ne s’estimant pas moins sauant ęn son art, qe toę ęn ton ecritture Franc̨oęze, il voulut corrijer nature com’ ayant deffalły ęs oręlłes de Gylłaome pour lęs auoęr fęt trop courtes, ę etroęttes : ę qe finablemęnt il lęs te fit ęn son pourtręt d’vne tęll’ auenú’ ę poel, qe lę’ port’ vn áne rouje ? Qęlle defęnse pourras [p. 13] tu amener, qe suiuant la męme loę dont tu nou’ veu’ tous forc̨er a prononc̨er tę’ lęttres superflues (q’onqes lange de bon Franc̨oęs ne prononc̨a) qe tu ne doęues aosi charjer ę ęnter ęn ta tę́te c̨ęs bęlles, ę ámples oręlłes d’Ane ?

Or ęntęns donc Gylłaome c̨e qe je veus dire par la : c’ęt qe lę’ voęs dont nou’ compozons lę’ parolles sont naturęlles a l’home : ę lę’ lęttres ę leur assemblemęnt sont inuęntées pour ętre notes, & imajes d’ęlles, & dę’ vocables, qe selon la diuęrsité dę’ contrées qi caoze diuerses fantazies, ę par conseqęnc̨e, diuęrs langajes opulęns, ou pouures, lęs peuples ont inuenté, par vn comun consentemęnt ęn leur sinificac̨íon : a cęlle fin qe par vne comun’ intellijenc̨e d’eus, il’ pússet viure, trafiqer, ę conuęrser ęnsęmble.

Ao demourant ou a’ tu trouué loę, ne ordonanc̨e de Dieu, ne de nature par laqęlle, lę’ Franc̨oęs soę́t tenuz de parler Gręc, Latin Hespaŋ̃ol, ne Italien ? lę’ tien’ tu de si pouure sęns ę ęntęndemęnt, q’il ne leur soęt loęzible d’inuęnter dicc̨íons, ę vocables, ou bien si leur plęt les emprunter dęs aotres nac̨íons, ęn talłer, roŋ̃er, ou ajouter come bon leur sęmblera ? Vous verrez qe c̨et habile Gylłaome nou’ mettra ao ranc dęs Parroqę́s : lę́qels combien q’il’ ayet vn’ apprehęnsíon ę memoęre dę’ parolles, ę subseqemmęnt la prononc̨íac̨íon, n’ont toutefoęs aocun’ inuenc̨íon de langajes pour aotant q’il’ n’ont point de ręzon, ny [p. 14] d’ęntęndemęnt.

Come qoę donc ę’ tu si hebeté, ę si courrouc̨é de dire contre l’uzaje de la lange Franc̨oęze, qe nou’ deuions prononc̨er teste, ę beste par c̨e qe l’Italien, ę l’Espaŋ̃ol le fęt einsi ęn prononc̨ant s ? je m’emeruęlłe qe tu n’as dit testa : a celle fin qe tu gardasses du tout la prononc̨íac̨íon Italiene : car de quelle ręzon excuzera’ tu le Franc̨oęs pour auoęr tourné a ęn e : ęn le blamant dauoęr tu, s ?

Vous voyez donc ic̨y la malic̨e de c̨e Gylłaome qi pour saouer la superfluité dę’ lęttres ęt tumbé ęn vne si grand’ outrecuydance ę egaremęnt de sęns, q’il n’a point fęt de difficulté de doner sa sęntęnc̨e contre le comun vzaje de la lange rec̨u de toutęs fac̨ons d’homes, qi font profession de bien parler : ęn priuant d’auantaje lę’ Franc̨oęs de la liberté comun’ a tou’ peuples a se former tęl langaje qe bon leur semblera.

Ę pourtant ęn suiuant sa rę́ueríe il a ozé dire qe la douc̨eur de la lange Franc̨oęze jizoęt ęn la prononc̨íac̨íon de tout c̨e qi ęt ecrit. Par c̨e moyen messieurs lęs courtizans, ę tous aotres qi font profession de bien parler, aoront doręnauant a prononc̨er escripre, recepueur, doibuent, estoient, eulx, ę infiniz aotres vocables, aotant estranjes, ę diffic̨iles a prononc̨er qe c̨eus c̨y : s’il’ ne veulet ęncourir la c̨ęnsur’ ę maouęze grac̨e du tręsexc̨ellęnt Gylłaome docteur ęn jargoneríe.

Mę́s aosi (pourra dire qelcun) pourqoę n’aora il auęq sęs sauans vn jargon [p. 15] propre, vu qe lęs caŋ̃ardiers s’en forjet bien vn a leur poste ? Ie ne debas pas, q’il ne jargon’ auęq sęs jargoneus tęl langaje q’il le voudra forjer, mę́s q’il nou’ lęsse ęntre nous simples jęns vzer de la lange qi nous ęt ja fort vzitée pour la chanjer einsi qe par le tems la fantazíe le nou’ conselłera.

Ie demanderoyę voulentiers a Gylłaome si la syllabe pre peut venir ęn ryme contre re, ętant le p prononc̨é, de sorte q’on puysse rymer de dire, contr’ escripre : car si einsi ęt je direy qe propre sera bon contre More, ę einsi de rare contre, ápre : S’il dit qe non com’ il faodra q’il le fasse, je croę q’il trouuera bien peu de nó’ poętes, ę męmemęnt de c̨ęs exc̨ellęns q’a bone ręzon il nom’ a la fin de son epitre, qi veulłe rec̨euoęr ęn la prononc̨íac̨íon escripre pour ecrire : aotrement il leur faodroęt r’habilłer leurs euures qelqe bon’ grac̨’ ę pęrfęcc̨íon q’ęlles ayet.

Ę si Gylłaome debat, pourqoę dont vzent ils de c̨ete maniere de superfluité de lettres ? il faot q’il pęnse, qe c̨e n’ęt parauanture, qe pour complęr’ a la multitude ja inueteré’ ęn c̨ela : ou bien q’il’ eymet beaocoup mieus lęsser courir vn’ ęrreur comune, q’ęn la cuydant corrijer ęncourir vn’ indiŋ̃ac̨íon du peuple. Croyez qe tout einsi qe l’hom’ ęt vn juje just’ ę seuer’ ęn la coulpe d’aotruy : aosi nęt il rien plus injuste ne deręzonable qe luy, ęn la siene propre.

Ao surplus Gylłaome si tu vis juqes a c̨e qe lę’ Franc̨oęs prenet gout ęn la prononc̨íac̨íon [p. 16] d’escripre pour ecrire, je croę qe tu viuras d’une víe beaocoup plus longe qe d’home qi eyt jamęs eté. Il ęt vrey aosi qe par ta doctrin’ on pourra rymer dęs auęrbes ęn ent sur lęs tierses pęrsones plurieres ęn ent de sorte q’on pourra rymer sur souuent recripuent, sur bonement, ayment : somment de sommer.

Venons meintenant ao reste du tęxte de Gylłaome : leqel ęn poursuyuant plus outre fęt vne concluzion ęn c̨ę’ termes.

Parquoy appert qe ces gentils escriuains s’abusent bien qui veulent estroictement obseruer l’escripture selon la prononciation.

Voyez vn peu come c̨ete concluzion accorde bien a la fin du tęxte prec̨edant, par le qel il ordone pour le melłeur, qe tout c̨e qi ęt ecrit soęt prononc̨é : & toutefoęs ils nous estim’ abuzez, de vouloęr fę́re qadrer si justemęnt l’ecrittur’ a la prononc̨íac̨íon. Or puis q’il dit, q’il vaot mieus prononc̨er c̨e q’on ecrit, il confęsse par la qe l’ecritture doęt ęntieremęnt qadrer a la prononc̨íac̨íon : autremęnt seroęt c̨e folíe de le dire.

C̨ęnsuyt apręs :

Car il ne leur fault iamais confesser, que nous deuions en la prononciation garder entierement le son de la lettre.

C̨ete cúe n’ęt pas de c̨e veao : c’ęt bien autre c̨hoze d’ecrire vne lęttre qi na point de voęs ęn c̨hapitre, ou d’ęn fę́re lecture douc̨e, grac̨ieuze, ę harmonieuz’ a l’orelłe. Parqoę Gylłaome, ęn c̨ela se courrouc̨’ a son ombre : vu q’il trouuera [p. 17] qe j’en ey dit mon auis ao Menteur de Luc̨ían ęn parlant de ps, pt ę aotres tęrminęzons rudes. Surqoę je ne veu’ pas oublíer qe come j’aye dit la, voulant adhęrer le plus q’il me seroęt possibl’ ao comun vsaje d’ecrire qe m, prec̨edant pt amoulissoęt le p, jey trouué par l’auis d’aocuns bien experimęntés ęn la lange Franc̨oęze, qe je fęzoę tort a sa grac̨e : attęndu qe c̨e p n’y ęt pas ęn tous prononc̨é : parqoę ayant egart a c̨e qe j’ey tousjours propozé contre la supęrfluité dę’ lęttres, j’ey mieus eymé corrijer mon dire, ę le ranjer a la prononc̨íac̨íon, qe pour couurir mon inauertęnc̨e fę́re l’opiniatr’ ę l’indocile, a la coutume de c̨eus qi ne creŋ̃ans le blame d’arroganc̨e tienet pour infáme l’obeissanc̨’ a la ręzon.

Parqoę j’ecris promt pour prompt, ę tęms pour temps, qi ęt vne prolac̨íon gascone. Puis subseqęmmęnt Gylłaom’ allęg’ vn passaje de C̨iceron qe nou’ ne deuons pas prononc̨er lę’ lettres ęntieremęnt, dizant einsi :

Sonus erat dulcis literæ, neque expressæ neque oppressæ, ne aut obscurum esset aut putidum.

Sur qoę Gylłaome conclut ęn c̨ę’ parolles,

voèla Ciceron qui en sa langue Romaine ne veult entierement exprimer la lettre pour euiter le mauluais son.

Il me sęmble sous la reueręnc̨e de l’expozic̨íon mutilée de Gylłaome qe C̨ic̨eron ne parle pas la de la prononc̨íac̨íon entier’ ou demíe de la lęttre : ę qil entęnt seulemęnt de la prolac̨íon trop [p. 18] ęgre, ou sęc̨he, ou eclatante, ou bien trop sourde, indistincte, ou confuze : c̨e que Gylłaome pouuoęt bien decouurir s’il ut prins gard’ ao propos prec̨edant de C̨iceron.

Ao demourant je voudroę bien qe Gylłaome nous ut montré par experięnc̨e come qoę p, t, d, ę finablement la plus grande partie, ou plus veritablemęnt toutes lę’ consonantes se pourroę́t prononc̨er a demy auant lę’ voyelles, sinon q’il voulut prononc̨er lę’ moyenes pour lę’ plus dures : come d pour t, f, ou b, pour p, g pour c, ou k : ę lors je trouueroę beaocoup plus seur d’y męttre leur’ propres lęttres qe de lęsser vn lecteur ęn doute.

Parqoę si Gylłaome nou’ veut forc̨er de prononc̨er babe, ou fafe, pour pape, c̨’ęt simplesse de l’ecrire par p. Il ęt vrey qe lęs aocunes consonantes auant aotres n’ont pas ęn notre lange tousiours leur son si fęrme come dauant vne voyęlle : vu qe la nayue prononc̨íac̨íon d’ęlles depęnt de l’ajoncc̨ion ęn suyte dęs voyęlles.

Suyuant donc l’opinion q’on ne doęt point ęntieremęnt prononc̨er lę’ lęttres, il dit outre.

Combien plus le deuons faire en la nostre qui le requiert plus qu’aultre que soit ? & a peculier cela de deprimer le son de ses lettres toutes & quantes foys q’elle craint vne aspre rencontre de consonsonantes ? Et si en cela l’escripture obeissoit a la prononciation, il nous fauldroit tumber au plus grand desordre du monde : & aduiendroit que nous n’entendrions pas

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le plus souuent, ce que seroit escript quand il seroit besoing escripre vn mot aultrement auant vne voyelle, & aultrement auant vne consonante. Ce qu’eulx mesmes encores quoy qu’ils disent ne se peuuent faire.

A c̨e qe je voę Gylłaome se rauize, ę ne veut plus qe l’ecrittur’ obeiss’ a la prononc̨íac̨íon, ne qe nou’ prononc̨íons toutes lę’ lęttres qi sont ecrittes : car il auiendroęt, c̨e dit il, qe le plussouuent nou’ n’ęntęndrions pas c̨e q’il seroęt ecrit s’il falłoęt ecrir’ vn mot aotremęnt auant vne voyelle, q’auant vne consonante : come pozons le cas du demonstratif ęlle qi pęrt la derniere voyelle si vn aotr’ ęt subseqęnte : come ell’ eyme, ell’ a bon tęms, qe toutefoęs ęlle gard’ auant lęs consonantes : come, elle rit, ęlle chante.

Come donqes la prononc̨íac̨íon tę́ze qelqe foęs, ę aotrefoęs ęlle fasse soner aocunes voęs finales, il faot inferer qe Gylłaome le plus souuęnt ne l’ęntęnt pas, ę par conseqęnc̨e qe sa lec̨on ęt ęn son liure. Car il c̨ensuyt bien, Gylłaome n’ęntęnt point c̨e tręt, c̨ete fam’ eyme : parc̨e qe l’e defaot ęn l’ecritture de fame, aosi ne fęt il donc ęn la prononc̨íac̨íon, vu qe la voęs de l’e, y defaot.

Or pour montrer plus euidęmmęnt c̨e q’il poursuyt, il a subseqęmmęnt mis vn exęmple ęn presupozant qe l, d’il se detourne quant ell’ a vne consonant’ ęn suyte : combien qe je n’ey jamęs trouué q’ęs cartiers dec̨a l, finalle soęt detourné’ ęn la prononc̨íac̨íon Franc̨oęze : mę́s pour aotant [p. 20] qe lęs Bourgyŋ̃ons, ę leurs contrées voęzines assizes ao long de la riuiere de Sóne ont de coustume de la tourner ęn r toute’ lę’ foęs q’vne consonante la suyt, prononc̨ans arbus, Gabrier, pour albus, ę Gabrięl : la frequentac̨ion de la Franc̨e lęs a forc̨é de plutót la tę́r’ ęn il, qe de la tourner ęn r, creŋ̃ans ętre repriz.

Pozons toutefoęs le cas que c̨ete l, ne soęt point prononc̨ée com’ il auient qelqe foęs de nonchalanc̨e : ęn qoę se trouue Gylłaome plus empeché, d’ęntęndre le detour de l, ęn son exemple q’il dit q’il faodroęt fę́re selon noz aotres docteurs modernes : come, Saches qu’i demande ? qe d’ęntęndre que (affin qe je garde son ecritture) par qu’ apostrophé, pouruu q’il se fut auizé de balłer a la figure le detour tout einsi q’il a fęt a son qu’ ? A tout le moins monsieur le docteur doné’ nous le rejitre de c̨eus q’il vous plęra apostropher, ę nou’ ręndez la rezon pourqoę il ne nous sera loęzible le fę́r’ ęn tous aotres, come vou’ voulez q’il le vou’ soęt ęn pluzieurs einsi qe votr’ ecritture le temoŋ̃e ? si c̨e n’ęt qe parauanture l’imprimeur l’ayt fęt melłeur qe Gylłaome n’en auoęt ęnuíe.

Poursuyuant dont sa chollęre, il demand’ ęn c̨ęs parolles :

Quel abus seroit ce, si on ne les escriuoit encores qu’on ne les prononce pas ? Respondez bonnes gens vous vous oubliez icy. Respondez quel abus seroit si on ne les escriuoit ? vous mesmes qui estes hardiz oultre mesure

[p. 21]

ne l’osez faire. Pourquoy enseignez vous ceste doctrine d’escrire selon la prononciation Esperez vous que l’on croye a ce que vous dictes que vous mesmes ne vous y osez fier ? voy la Monsieur comment je parlerois voulentiers a eulx : mais i’ayme mieux qu’vn plus scauant qe moy le face.

I’ey bien voulu rec̨íter c̨e texte a c̨ęlle fin q’on ne me reprochát qe j’auoę passé ęn silęnc̨e la grande vehemęnc̨e de son eloqęnc̨e : męmemęnt quant il ęt ęn cholęre, ę etoné de peu de c̨hoze.

Pour toutefoęs luy satisfę́re je dy qe sans point de doute il y aoroęt bien de l’abus : car premieremęnt on ne trouueroęt rien ęn l’ecritture, qi ne fut ęn la prononc̨íac̨íon. Secondemęnt on ne seroęt point ęn doute si on doęt tę́r’ ou prononc̨er vne lęttre. Tiersemęnt, on ne seroęt point ęn dispute, si d’aotant q’vn mot seroęt tiré d’vn’ aotre lange b, ou s, ou aotre l’ęttre y ęt nec̨essę́re : car la prononc̨íac̨íon la ranjeroęt : ny ne seroęt vn pur Franc̨oęs ęn peine de s’ęnqerir a vn Latin, pourqoę on męt vn p, ęn recepuoir : finablemęnt qiconq’ aoroęt la prononc̨íac̨íon, pourroęt (sac̨hant la puyssanc̨e dę’ lętres) ecrire corręctemęnt sans recourir ao’ Gręcz, ne ao’ Latins, ne auoęr egart a toutes c̨ęs aotres supęrstic̨ieuzes rę́ueríes, dont j’ey parlé amplemęnt ao trętte de l’ecritture Franc̨oęze.

Ę qant ao reproc̨he qe me fęt Gylłaome, qe je n’ey ozé vzer libremęnt de c̨e detour de lęttres, il dit [p. 22] vrey, pour creinte qe j’auoę d’encourir l’indiŋ̃ac̨íon dęs lecteurs, si a la rigeur j’usse reduit si soudein l’ecrittur’ a la prononc̨íac̨íon : considerant qe toutes nouueaotés sont tousiours etranjes de prime fac̨e : ę qe la superfluité dę’ lęttres ęt si outrée ęn l’ecritture Franc̨oęze, ę la plupart du peuple si accoutumé ęn ęlle, qelqe pleinte q’il ęn fasse, qe veritablemęnt il se fut trouué par trop pęrplex ęn la lęcture pour auoęr perdu c̨ete premier’ imaje de compozic̨íon de vocables dont il portoęt pac̨íęmmęnt l’abus.

De vrey, il ęt c̨ęrtein, q’apręs q’vn home aora fęt vne bien longe demeure, ę qe par vn long espac̨e de tęms il aora habité qelqe mezonętte s’y etant ja accoutumé, il se trouuera tousiours d’ęntrée fort etranj’ ęn vne nouuell’ habitac̨íon qelqe bell’ ę comode q’ęlle soęt : combien qe s’il ęt home de ręzon il ne níera pas, q’ęlle ne soęt melłeur’, ęncores q’il ne sache d’ęntrée lęs ę́tres.

Ou ęt l’home qi ayant de coutume de voęr son voęzin paouremęnt habilłé, ne le meconoęsse de prime fac̨e le voyant ric̨hemęnt vetu, qoę q’il confęsse q’il ęt mieus paré q’il ne soloęt ? S’il auient aosi qe qelcun c̨hanje d’etat come de robbe long’ a robbe courte, qi sera c̨eluy qi du premier regart ne le meconoęsse : ę qi ęncores ęn le conoęssant, ne treuu’ etranje c̨ete transformac̨íon, qoę qe nou’ trouuions ręzonable q’il soęt vetu selon sa vacac̨íon ?

Einsi donc Gylłaome, il ne faot pas blamer la doctrine de la supęrfluité [p. 23] dę’ lęttres pour aotant qe l’ecritture sęmblera etranje de prime fac̨e, donant pein’ ao lęcteur ja accoutumé a vn’ aotre, ny dire q’elle soęt faose, pour autant qe je ne l’ey pas du tout obsęruée pour lę’ ręzons qe j’ey ja dit.

Ao demourant si Gylłaome n’a point de melłeurs ręzons qe c̨ęlles q’il nous a ja propozées, je suys d’auis q’il ne luy prene point d’enuie de nous ęn parler : ę qe s’il pęnse q’il soęt ęncores qelq’ aotre plus fol qe luy, q’il luy ęn lęsse porter la foll’ ęnc̨hiere : car vn plus sauant qe Gylłaom’ aora bien peu de ręzon, ę d’affęcc̨íon, ę reuerenc̨’ a la verité, s’il ne s’ęn tęt, plutót qe d’ęn parler.

Ę apres qe c̨e bon docteur a u degorjé c̨ęte cholere il vient a condesc̨ęndre a qelq’ accord, come se defiant de son droęt, dizant einsi :

Et encor’ plus facilement ie les croyroye, si se contentoient d’accorder l’escipture a la prononciation : mais pour se monstrer plus ingenieux, ils cherchent des nouuelles diphthonges, & des nouueaulx caracteres, & de nouuelles quantités a leur plaisir, d’autres belles triquedondeines. Pour faire au, ils escriuent ao : ils font vn e a crochet, qui leur sert de ie ne scay quelle puissance occulte de transmuer vn Roy en vn Roę, ils vont emprunter y des Grecs du quel on se passe bien. Bref ilz font rage, il n’y a que pour eux. Ie leur demanderois voluntiers, pourquoy ilz ne veulent permettre que ne nous aydions d’a & u pour faire au : come quand nous voulons dire

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aussi, aoust, que les Latins disent autem, Augustus. Mais voicy triumphe dire qe ie n’escris pas bien ainsi Roy. Pourquoy compere, pour ce que ceste diphthongue oy, a vn aultre son come en royal, & loyal, &c. Dictes vous ? & trouvez vous plus estrange que ceste diphthongue (veu l’ancien vsage) se prononce en deux sortes, qe d’apporter vne d’vne nouuelle façon qui serue a plus de cinquante &c.

Or puys q’il ne ręste plus q’vn moyen pour contęnter, ę appęzer la cholęre de Gylłaome, ęn accordant l’ecritture a la prolac̨íon, je m’attęns bien tót le fę́re : si c̨e n’etoęt qe qelqe ręzon qe je sach’ alleger il ne voudra rien acc̨epter de nouueao pour le garder de ne confondre lę’ puyssanc̨es dę’ lętres, n’y d’abuzer de l’une pour l’aotre : tęllemęnt qe combien qe j’aye mis ęn auant tant ao trętté de l’ecritture franc̨oęze, q’ao prohęme du męnteur de Luc̨ian dę’ ręzons, ę exemples euidęns, pour montrer qe lę’ Franc̨oęs n’ont point la diphthonge au, attendu q’il ęt nec̨essęre q’en toutes diphthonges lę’ deus voyęlles gardet leur propre son ęn vne mę́me syllabe : come fęt ai, ou ay, ęn ayant payant, oi ou oy, ęn moins loyal, royal : eu, ęn eureus, ceus, eus veus, veut, ę’ qels tous nous oyons lę’ deus voyelles ęntieres ęn vne mę́me syllabe : ę a c̨ete caoze on les a appellé diphthonges, c̨e beau Gylłaome ne fęt point etat de lęs rec̨euoęr, ne de lęs confuter.

Ę afin qe c̨hacun deceuure la nięzeríe de [p. 25] c̨e sourdao, qęlle ręzon a il pour nou’ montrer qe l’u doęue plutót soner ęn veut (ou veult pour le contenter) q’ęn vaut ou vault. Ie ne croę pas q’il soęt home si dehonté ayant l’experięnc̨e de la lange Franc̨oęze, qi oza affęrmer oír ut a la fin de vaut com’ il fęt ęn veut, ę q’il ne confęsse oír plutót ot par o ouuęrt ęn vaot : ny n’ęt la prononc̨íac̨íon de la diphthonge ao aotre ęn, aosi ne, ęn aotant.

Bref tous c̨eus qe nous auons de coutume d’ecrire par au se trouueront faoz : car il ny ęst aocune męnc̨íon de l’u. Parqoę monsieur mętre Gylłaome si vou’ n’auez le c̨ęrueao bien troublé d’opiniatreté, vou’ trouuerez q’ęn introduizant la diphthonge, ao, je ne fęs q’accorder l’ecrittur’ a la prononc̨íac̨íon, ę pourtant c̨essez de brę́re.

Ao regar’ dę’ nouueaos caracteres dont Gylłaom’ ęt scandalizé, il ne debat point s’ilz sont nec̨essę́res, ou superflus, de sorte q’il soęt venu a rec̨herc̨her lęs occazions qi m’ont contreint le fę́re pour garder le lecteur d’une maouęze lęcture, ou pour le moins q’il ne demourát pęrplęx pour la diuęrse prononc̨íac̨íon qe nou’ fęzons de l’e, qe tous Franc̨oęs (hors c̨e Gylłaome) confęsset, come nou’ le voyons euidęmmęnt ęn męruęlłes, duqel lę’ deus premięrs sonet plus ouuęrt qe le dęrnier : ny ne le saroęt níer c̨e jęntil Gylłaome sinon q’il veulłe fęre qelqe nouueao jargon, suyuant sa premiere deliberac̨íon.

Ę quant a c̨e qe c̨e pouure níęs dit qe je m’ęn eyde ęn [p. 26] mę́s pour sa diphthonge ai, ou a il trouué qe nous y prononc̨íons la diphthonge ai ? prononc̨ons nous ai ęn mais come nou’ fęzons ęn payant, ę si ai peut fę́re c̨e son qe n’en vze il ęn męs, tęs, sęs, dęquelz l’e n’ęt point d’aotre prononc̨íac̨íon q’ęt ai ęn mais.

Passons plus outre combien qe j’ęn ey ja parlé ao trętte de l’ecritture Franc̨oęze, e ao Męnteur de Luc̨ian, je te demande Gylłaome qant nou’ dizons donames, frapames, plorames, c̨e mes sone il ęn e de mę́me son qe fęt c̨eluy de męs tęs sęs ? Deqoę ę’ tu donc scandalizé si je t’ey voulu marqé c̨ete differenc̨e d’e, ę corrijęr l’abus de la diphthonge ai. Me veu’ tu garder de fę́r’ vn’ ecritture lizable sans difficulté. Te forc̨e je, ne toę, ne aotre de fęre le sęmblable ? nęt il pas ęn toę d’ęn fę́r’ vn aotre come bon te sęmblera ? ou bien de broulłer le papier auęq vn’ inc̨ęrtitude de lęcture, come tu fęs. De qęlle ręzon a’ tu plutót rec̨u, ę vzé de l’apostrophé : laqęlle toutefoęs tu as par c̨y auant debattu, qi ęt vne nouuęll’ inuęnc̨íon ęn l’ecritture ? Pourqoę trouue’ tu l’ę a cúe plus etranje, qe l’é masculin auęq sa marqe nouuęlle dont tu vzes ?

Ne te hate pas tant vn’ aotre foęs de blamer l’iuuęnc̨íon d’un aotre, qe premieremęnt tu n’ayes bien examiné si ęll’ ęt nec̨essę́re ou non Ę qant a c̨e Roę transmué, ou trouue’ tu qe lę’ Franc̨oęs y prononc̨et vn y. Tu dis ao demourant qe je m’en ayde ęn cinqante sortes, tu trouueras si tu n’auoęs le c̨erueao [p. 27] ę lęs oręlłes opilées d’vne malic̨ieuz’ opiniatreté, qe je m’ęn ayde ęn tous vocables ou je le treuue nec̨essę́re pour euiter la prolac̨íon de l’e clos, ę qe fęzant einsi je ne le fęs q’ęn vne sorte, ny n’ęt le son de la conjoncc̨íon ę, (qe tu appelles et) aotre qe de la derniere voyęlle de Roę, moę, ne qe de ta faose diphthonge d’ai ęn mais, fais.

Ao demourant j’oublioę ton aodac̨ieuze calomníe dont tu me c̨harje ęn c̨e qe tu dis qe j’ęmprunte l’y dę’ Gręcs, come si lę’ Franc̨oęs, ne toę mę́me n’ęn vsset jamęs vzé. Ou a’ tu trouué ecritture Franc̨oęze, tant soęt ęlle anc̨íenne qi n’en soęt garníe ? Tu montre’ bien euidęmmęnt icy qe tu as bien peu consideré, c̨e qe j’en ecrit ao tretté de l’ecritture Franc̨oęze come qi fęs a la mode de c̨eus qi ne se souc̨iet de ryme, ne de ręzon, ę qi ont de coutume de condamner lęs euures sans lę’ voęr. Car tu trouueras a la fin du second c̨hapitre qe j’ęn ey parlé ęn c̨ę’ termes.

Il nou’ rest’ ęncores a depęc̨her l’y grec, leqel sęmbl’ ętre superflu ęn nostre lange, d’aotant qe l’i ęt suffisant &c.

Or ęn c̨e qe tu dis qe j’ey marqe dę’ quantités a mon plęzir, tu parles mieus qe tu ne pęnses : car tiens pour c̨ęrtein qe je pręns vn męruelłeus plęzir a voęr mener toutes c̨hozes a leur pęrfęc̨íon. Ę si tu l’usses prins aosi grant a considerer de qęlle conseqęnc̨’ ęt l’obsęruanc̨e dęs qantités dę’ syllabes a la prononc̨íac̨íon, qe tu as eté hatif a lęs blamer d’aodac̨e sans rendre [p. 28] qelq’ apparanc̨e de ręzon, tu vsse’ parauanture refrené ta cholęre si outrée : car onqes home de bien ne s’ęt męlé de repręndre, q’il n’eyt denoté la faote, ę la ręzon pourqoę ęll’ ęt reprehęnsible.

Pour le moins ne saoroę’ tu níer, qe toutes voęs, ę syllabes n’ayent qantité qe nou’ mezurons par le tęms de leur prolac̨íon, ę se nomet ęn tou’ langajes longes, ou breues par vne mutuęlle relac̨íon de syllab’ a syllabe : de sorte qe non sans caoze je dy qe l’a de dame ęt brief, ę celuy d’áme ęt long : dont j’ęn lęsse le jujemęnt a c̨eus qi ont melłeur experięnc̨e de la lange Franc̨oęze qe tu n’as, come tęs ecriz le temoŋ̃et assez : ę qi preferet la verité a toutes c̨hozes.

Ao demourant je ne sey ou tu as trouué c̨ęs si elegans vocables, triqedondaines, ę anicroc̨hement. Ę qant a c̨e qe tu dis :

Ie ne tiens pas grand compte de vos pluriers, singuliers : car les enfans s’en mocquent.

Ęntęns Gylłaome qe je ne trouue pas ętranje qe c̨et aje la incapable de ręzon le fasse : esperant ao demourant, l’amęndemęnt de ton opiníon si par succ̨essíon de tęms Dieu te fęt tant de grac̨e, q’ęn te depoulłant de ton ęnfanc̨e, il te męn’ a qelq’ aje doc̨il’ ę susc̨ęptible de ręzon.

Poursuyuons le demourant dęs sottizes de c̨e Glłaome. Voę c̨y q’il dit.

Mais c’est grant cas que vous prononcez tousiours g & c en la façon qu’il se prononce d’auant a, o, u : & vous aydez de l’authorité de Quintilian en vn passage qui fait plus pour

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moy, que pour vous : car il faut entendre ainsi. L’on estoit en doubte veu que c se prononce come se, si au lieu qu’on le doibt prononcer comme k, on le debuoit mettre, comme en ce mot Caput : tellement qu’aucuns certes estoient d’aduis que l’on y deuoit mettre k veu la puissance du c : lesquels Quintilian reprend disant que c porte sa puissance dauant toutes les voyelles : comme s’il disoit, que c n’est pas seulement faict pour e, & pour i, ou il sone come s, mais aussi pour a, o, u, ou il sone comme k. Et ne fault donc plus se rompre la teste si nous disons cra & cla, puis que nous considerons aueq’ Quintilian deux sons en c. je dis autant du g, ce qui est facile a prononcer par la langue latine en ce que nous disons virgo virginis, Marcus Marci, ou appertement on congnoit le changement du son. Mais vous dictes qu’il fault dire Marqui, & virguinis. Ha ha tout beau que faictes vous ? vous sortez hors de vous limites &c.

le demourant ne sont qe parolles. Ę combien qe le prec̨edant ne soęt qe sonjes, si a il fallu qe je rec̨itasse la bell’ interpretac̨íon du diuin Gylłaome. Car qant a c̨e, qe c̨ete pouure bęte dit qe c se prononce ęn s, il a diuiné, ę a fęt ledit Qintilian : leqel ęn a aotant fęt menc̨íon, q’il est memoęre de Gylłaome aos hystoęres dęs sęt sajes : ę a c̨ęlle fin qe vous ne soyez ęn peine de rec̨herc̨her le texte (qe Gylłaome n’a pas eté si nic̨e d’alleger come j’ey fęt ao Męnteur de Luc̨ían) voęc̨y [p. 30] q’il dit.

je ne suis pas d’auis d’uzer du k ęn nuls vocables, sinon pour c̨eus q’il sinifie de sorte qu’elle soit ecritte seule. C̨e q’a c̨ete caoze je n’ey omis, d’aotant qe plusieurs le pęnset nec̨essę́re toute’ lę’ foęs qe l’a ęt subseqęnt : attęndu qe c̨e soęt le c qi porte sa vertu par toutes les voyelles.

A c̨ete caoze lę’ Latins voulans denoter ęn vne lęttre Kalendæ vzoę́t du k. Voyez donc ęn c̨e texte la, s’il ęt aocune menc̨íon de la rę́uerie de c̨e Gylłaome. Or aoroęt on grant tort de dire q’il le tyre par le’ c̨heueus : car sans point de doute il le tient aotant ao poęl, q’il fęt le soleil a la barbe.

Ie pourroęs ic̨y alleger Prisc̨ian qi a dit de mę́me, qe Qintilian ęn parlant dęs acc̨idens de’ lettres, dizant ęncores, qe le q n’auoęt point aotre puissanc̨e qe le c. Ę pour monstrer qe le c sonoęt ęn k l’eqiuoqe dont vza C̨ic̨eron le nou’ montre, de cocce a quoque, la ou si c ut soné ęn s, come rę́ue notre reueręnt intęrprete de Qintilian, le ręncontre de l’eqiuoqe vt u aosi bone ręzon qe qi diroęt plac̨e pour plaqe, coc̨u pour coqu coc̨ín pour coqin, marc̨e pour marqe, cac̨ęt pour caqęt : car ils ne seront point trouuez plus etranjes qe de dire cocse pour cocke.

Come donqes Gylłaome eyt presuppozé faos, toute la suyte ne peut ętre qe faose : ny ne se deura emęruelłé si je dy q’il faot garder le c, ę le g auant toutes voyęlles come auant a : ę qe conseqemmęnt je ne m’amuzerey point a sa badineríe [p. 31] de ha ha tout beao qe je ne die qe C̨iceron, ę c̨es aotres anc̨íens Romeins, ne prononc̨eret onqes le c ęn s, ne le g ęn j consonante, qelq’ vzaj’ obserué aojourdhuy q’on veulłe męttr’ ęn auant de tant sauans homes ęn la lange Latin’ ę Grecqe q’on voudra : ę dut Gylłaom’ auęq toutes sę’ ręueríes, ę diuinac̨íons hurler toute sa víe : ao qel je ne veus doner ęmpęchement q’il ne brolłe son qui, quis, quid, quod com’ il voudra.

Or apręs qe c̨e bon docteur ę exc̨ellant intęrpręte, a ac̨heué sa chollere, il se męt soudein a rire a la coutume dę’ nayfs Gylłaomes, ę dit.

Ils me font rire quant ils dizent qu’ils tienent nostre long’ silence pour vn tacite consentement. Car ilz font semblant qu’ilz n’entendent pas qu’on ne tient compte de leurs songes & resueries, lesquelles encores m’ont plus detenu que ie ne pensois. Or scay ie bien que s’ils entendent ce que i’en dy, ils m’appelleront incredulle, & ie les appelleray menteurs. Cest la mon aduis de cest la mon aduis de ceste nouuelle escripture.

Gylłaome donc tout rejouy dit, qu’on ne tient conte de męs ręueries exc̨epté luy qi m’a fęt c̨ęte grac̨e. je voudroę toutefoęs qe pour ton honeur, ę pour mon repos tu te fusses mis ao ranc de c̨ę’ dedeŋ̃eus, ę qe tu ne te fusses point jetté einsi aos c̨hams ęn materas dezanpęnné, ny venu ao combat eqipé de ręzons com’ vne grenolłe de plumes pour voller.

Ę qant a c̨e qe tu dis qe tu nous appelleras męnteurs si nou’ t’appellons [p. 32] incredule, tu te coupes la gorje de ton couteao : car si tu dis (come tu l’a fęt) qe tu ne croęra’ pas a męs ecriz, tu ne sauroęs níer qe tu ne soęs ęn c̨ela incredule : ę qe conseqęmmęnt te tenant tęl je ne serey pas trouué męnteur. Si aosi tu dis qe tu y croęs tu confesseras appęrtement qe tout c̨e qe tu as dit ne sont qe menteríes : par c̨e moíen de qelqe couté qe tu te tournes, tu te trouueras ęnfęrré.

Or ne te veus je pas pourtant appeller incredule : vu qe c̨eluy ęt propremęnt incredule, qi ne veut point croęre san’ preuues : parqoę l’incredulité n’ęt pas tousiours víc̨íeuze : Męs qant l’home ne veut acc̨epter, ne consęntir a la ręzon, qoę q’ęlle soęt euidęnte, ę q’il ęt autant fac̨ile de limprimer ęn son c̨ęrueao, qe de faoc̨er vn’ enclune d’un coin de burre, nou’ le tenons lors pour vn indoc̨il’ ę incapable de ręzon : ę par conseqęnc̨e pour vne bęte saouaj’ ę cruęlle sous la figure d’home.

Il ęt vrey q’il ęn ęt d’aocuns qi combien q’il’ aye la conoęssanc̨e de la rę́zon, sont toutefoęs si suję́s a leur appętit, arroganc̨’ ę ęnuíe, q’il eymet mieus tumber ęn tous aotres inconuenięns, qe d’y consęntir : voę la d’ou sourdet lę’ calomniateurs. Du nombre dę’ qelz j’ey bon’ occazion te tenir : vu qe de toutes lęs chozes qe tu as follemęnt ęntreprins de repręndre, tu n’a’ jamęs allegé aucune de męs rę́zons pour lę’ combattre com’ insuffizantes : einsi q’ont de coutume fę́re tous c̨eus qi eymet la verité : ę qe tu me [p. 33] trouueras auoęr fęt a tęs objecc̨íons ę calomníes, ę ao tretté de l’ecritture Franc̨oęze : aoqel tu as pu voęr si tu as voulu, qe je ne t’ey rien lęssé a dire qi eyt qelq’ apparanc̨e pour conforter l’abbus de l’ecritture Franc̨oęze.

Venons meintenant ao demourant : je ne puis compręndre de qęll’ occazion tu as ajouté ao tiltre de ton euure, ę de la poesie contre l’orthographe des Maigretistes : car je ne puis ęntęndre c̨ete contrarieté : vu qe la poezíe trętte d’une fac̨on de parler par c̨erteines mezures de syllabes : ny ne trętte point de la fac̨on d’ecrire : attęndu q’on peut rymer sans ecritture : la ou l’art de bien ecrire qe nous pouuons appeller Orthographíe jit ęn la conoęssanc̨e dę’ caracteres ou lęttres, ę aotres figures, ę de leur puissanc̨’ ę proprieté pour pęrfęttemęnt rapporter l’imaje de la prononc̨íac̨íon : ny ne se mę́le de jujer si vne proze, ou ryme, ęt bien ordoné’ ę fętte selon lę’ regles du comun langaje, ou de la poęzíe.

Ę si pour saouer ta calomníe tu voulusses dire q’ęn obseruant ma fac̨on d’ecrire selon la prononc̨íac̨íon, l’ęcritture corromproęt la rę́zon de la ryme, je te montrerey bien le contręre : car tu trouueras q’ęn ton cantiqe (ao moins qe je pęns’ ętre tien) tu as rymé estats contre taffetas : lęs finalles dę’ quels ne sont point differęntes ęn la prononc̨íac̨íon : ę pourtant j’uss’ ecrit etás ę non pas estats : car il faodra ou qe tu confesses qe c̨e t d’etats ęt supęrflu, ę par conseqęnc̨e [p. 34] corrompant l’ecritture : ou s’il le faot prononc̨er come tu es d’auis pour euiter superfluité de lettres, la ryme sera aocunemęnt vic̨íeuze pour la prolac̨íon d’un t ęn l’un qi n’ęt pas ęn l’aotre. je te puy dire le sęmblable de l’ecritture de l’esprits ę le prix, vu qe ts ne sone pas come x qi vaot aotant qe ks, ou gs : tu as fęt de mę́me ęn souldars, ę estandards : ęnfans, ę triomphants : c̨heuaulx, ę haults : pour lę’ qels suyuant la grac̨e de la prononc̨íac̨íon, ę la proprieté dę’ lęttres, j’uss’ ecrit esprís, le prís, soudars, etandars, ęnfans, triomphans : c̨heuaos haos.

Voęla ęn somme la ręzon qe j’ey pu conjecturer qi t’a fęt dir’ ę entrejetter de la poezie contre l’orthographe dę’ Maigretistes : Car qant a c̨e qe tu poursuys de la poęzíe mon orthographíe ne te done point d’ęmpechemęnt : tu ne trouuera’ pas qe j’aye dit qe pour bien ecrir’ il falłe deprizer lę’ poętes, ę lę’ mal trętter : Finablemęnt si tu as poursuiuy lę’ propos qe tu tiens pour moę, tu t’addresses a c̨eluy qi ny pęnsa jamęs.

Ao demourant je ne puis compręndre par c̨ete tien’ epitre aocun’ occazion ne conjęcture, qe tu ayes, ou portes affecc̨íon aocun’ a la verité : la seul’ esperanc̨e d’ętre bien rec̨u de tę’ semblables, qi ne peuuet obeír a la rę́zon, ta abuzé : vu la grande multitude de ceus, a qi c̨ete maniere de rec̨herc̨he qe j’ey fęt du moyen q’on doęt tenir dezaggreable : come qi veulet ętre trouuez ęn [p. 35] leurs euures irreprehęnsibles.

Or ecriuez tout tant qe vous ętes come bon vous sęmblera, ę ne soyez pas pires ęn vós ęrreurs, qe ne sont lę’ murtriers, larrons, ę brigans ęn leur mizerable fac̨on de víe : lę’ qels nou’ ne voyons point pręc̨her lę’ vices pour vęrtu ęn leurs parolles, ne mę́me debatre la doctrine qi lę’ blame.

Ao regard de moę je n’etoę pas si inconsideré qant je fis le trętté de l’ecritture Franc̨oęze, qe ie n’ęntęndisse bien qe je me procuroę vn’ inimitié d’infiniz ecriueins de tous etás, einsi q’ont fęt de tous tęms tous c̨eus qi se sont męlé de pręc̨her la verité contre qelq’ abus : suyuant c̨e qe dit Teręnc̨e, qe le complę́re caoze lęs amiz, ę la verité lęs ęnnemis : mę́s aosi n’etoę je pas si depouruu de ręzon, ne tant dezesperé de sęs forc̨es, qe je ne tinsse pour c̨ertein, qe qelqe repuŋ̃anc̨e qe la temeręr’ iŋ̃oranc̨e fasse, ęlle demoureroęt tousjours victorieuz’ ę inexpuŋ̃able, me deliberant d’ętre plutót ęn hayne de tout le monde qe de l’abandonner.

Parqoę come la paroll’ eyt eté donnée par nature a l’home, pour forjer le langaje : ę qe l’artific̨e par apręs eyt inuęnté lę’ lęttres pour le rapporter tout einsi qe l’imaje le vif : tu trouueras Gylłaome qe j’ey bone ręzon de dire qe l’orthographe ou bon ecriuein deura tousiours ranjer son orthographíe approc̨hant de la prononc̨íac̨íon le plus q’il luy sera possible selon lę’ proprietés, & puissanc̨es dę’ lęttres, ęn euitant la confuzíon, ę superfluité [p. 36] d’ęlles. Ę pourtant si Gylłaome ou aotre se veut plus addresser a moę touc̨hant c̨et art pour me contredire, q’il auize de doner viuemęnt a c̨e premier fort (qe jamęs home de bon sęns n’assaodra) aotremęnt je le lęrrey parler tout seul come qi n’a aocun princ̨ipe.

A vn seul Dieu

honeur ę gloęre.