Jacques Peletier du Mans

À Paris, chez Michel de Vascosan, Jacques Peletier (1517-1582 ou 1583) avait publié sa traduction de L’Art poétique d’Horace (1545), puis ses Œuvres poétiques (1547), ainsi qu’à Poitiers, chez Jean de Marnef, son Arithmétique (1548-1549), le tout en graphie usuelle. Ainsi qu’il le scénarise dans son Dialogue, c’est vraisemblablement Le Menteur de Lucien, paru en 1548 dans la traduction de Meigret, qui lui donnera l’impulsion nécessaire à faire imprimer ses propres expérimentations orthographiques, tout d’abord dans le Dialogue lui-même, chez Jean de Marnef en 1550, puis en en 1555 à Lyon chez Jean de Tournes. La collaboration avec cet imprimeur rendra possible la publication d’une série d’ouvrages en graphie phonétisante, notamment L’Arithmétique (1554), L’Algèbre (1554), L’Amour des amours (1555), L’Art poétique (1555). Les Louanges (1581) sortira encore des presses de Robert Coulombel, à Paris, juste avant sa mort.

Principes de transcription

Le principe qui a guidé les transcriptions qui suivent consiste à donner à voir le système graphique de Peletier dans toute sa cohérence, sans altérer ni la variation intrinsèque, ni les glissements qu’ont pu entraîner les changements d’imprimeur ou l’évolution personnelle de l’auteur. Comme il n’existe aucun critère infaillible pour distinguer une coquille d’une variante, aucune « erreur » n’a été corrigée.

L’usage que font les imprimés de Peletier des lettres ramusiennes (i, j, u, v) est variable. En 1550, Marnef alterne encore i/j de manière peu systématique. Les imprimés de Jean de Tournes réservent en revanche le caractère j à l’i consonne alors que v consonne et u voyelle sont presque systématiquement distingués à l’initiale de mot. Chez les deux éditeurs, v n’est en revanche jamais utilisé dans les autres positions. En raison de la grande variation dans le traitement de ces quatre cacactères dans les écrits phonétisants, la présente transcription reste, pour ce qui les concerne, fidèle à l’imprimé original. En revanche, les s longs, les s doubles et les consonnes nasales suscrites, qui sont sans enjeu phonétique, ont été standardisés.

Pagination, paragraphage, linéation, erratum

Les sauts de page et la pagination originale sont indiqués en grisé et entre crochets dans le corps du texte. Un clic sur ces indications permet d’afficher la page correspondante en facsimilé.

La prose de Peletier comporte peu de retours à la ligne. Pour faciliter tant la lecture que le traitement informatique, le texte a été segmenté en pavés séparés par un interligne. Les alinéas de l’imprimé comportent, en plus, un retrait de première ligne.

La linéation originale n’a pas été transcrite.

Pour l’édition de 1550, les corrections réclamées par l’erratum ont été directement reportées dans le texte. L’erratum n’a donc pas été édité en tant que tel.

Les transcriptions des textes ont été réalisées sans recours à la reconnaissance optique de caractères (OCR).

Le système graphique de Peletier

Moins radical que Meigret, Peletier ne vise pas à une correspondance biunivoque entre les caractères typographiques et les sons de la langue. Il est surtout soucieux d’éviter la surcharge due aux graphies étymologisantes ou prétendues telles ainsi que de réduire l’incohérence des graphies ambiguës. Il est prêt en revanche à admettre, au moins transitoirement, qu’un même son puisse, selon le contexte, donner lieu à plusieurs graphies alternatives. On le sent soucieux de ne pas trop bousculer l’usage dans le but de faciliter l’acceptation des innovations qu’il poropose.

Il s’efforce aussi de ne pas trop enrichir l’alphabet usuel. Il reprend l’ę (ouvert) qu’avait proposé Meigret et ajoute un ɇ barré qu’il réserve à l’e féminin, l’e non modifié ne traduisant plus que le son de l’e fermé. Il renonce par contre à introduire de nouveaux caractères pour les sons « mouillés » qu’il transcrit par lh et gn. Il introduit un g’ pour indiquer la prononciation de i consonne, notamment devant a et o. Il tolère que le q soit systématiquement suivi d’un u phonétiquement nul et préconise l’usage du k pour les c latins apparaissant devant la voyelle e, ce qui pose manifestement un problème à Jean de Marnef qui, n’ayant pas assez de k dans ses casses, utilise à la place la suite lz qui, d’assez loin, rappelle le dessin du k.

Dans le dialogue, tout comme dans l’édition de Meigret, les exemples dont la graphie est étrangère à son système ont été mis en évidence par des couleurs : le vert pour les mots ou expressions en latin ou dans une autre langue, le jaune pour des mentions de la graphie traditionnelle du français et le rose pour des graphies (ou des prononciations) considérées comme incorrectes.

Pour en savoir plus sur Jacques Peletier

La monographie « historique » est celle de Clément Jugé, Jacques Peletier du Mans, Essai sur sa vie, son œuvre, son influence, Paris, Lemerre, 1907. Un premier volume des Œuvres complètes de Peletier, Paris, Champion, paru en 2011, contient L’Art poétique d’Horace et L’Art Poëtique édités Par Michel Jourde, Jean-Charles Monferran et Jean Vignes avec la collaboration d’Isabelle Pantin. Il avait été précédé, en 2005, par le volume X (Louanges), chez le même éditeur. Enfin, à propos du Dialogue, on pourra consulter Jean-Charles Monferran, « Le Dialoguɇ dɇ l’Ortografɇ é Prononciacion Françoęsɇ de Jacques Peletier du Mans : de l’œil, de l’oreille et de l’esprit, Nouvelle Revue du xvie Siècle, N° 17(1), 1999, p. 67-83.