Dęs sinificac̨íons, ou jęnres dę’ Verbes.
C̨hap. II.
La sinificac̨íon ou jęnre, consiste propremęnt ęn acc̨íon, ou passíon. Ę combien qe lę’ Vęrbes qi conc̨ęrnet lęs sęns, sęmblet sinifíer passion : come, voęr, oír, pouraotant qe leurs organes rec̨oęuet lęs espec̨es vizibles, & oíbles, ę einsi dęs aotres : La verité toutefoęs ęt qe le sęns, qe lę’ Philosophes appęllet sęns comun, (sans leqel il ne se fęt aocun sęntimęnt dęs cinq sęns) fęt son acc̨íon ęn sęs espec̨es sęnsibles, rec̨ues premieremęnt par lęs organes.
Come donqes il soęt deus jęnres de verbes : l’un actif, ę l’aotre passif : c̨eus ne sont point veritablemęnt diz actifs, qi ne peuuet former d’eus vn partic̨ipe passif : attęndu qe lę’ Vęrbes passifs ne sont formez dęs actifs, q’auęq c̨e partic̨ipe la, joint ao vęrbe substantif ę́tre. Parqoę combien q’allé, ę venu, soę́t partic̨ipes de la mę́me figure qe lę’ passifs, il’ ne formet pas toutefoęs lę’ vęrbes passifs : par c̨e q’il’ sont de sinificac̨íon actiue.
Car qant nou’ dizons, je suis venu a Rome, il ny a non plus de sinificac̨íon passiue, qe qant je dy je voęs a Rome : aosi de vrey dizon’ nous, je suys venu a Rome, pour le preterit j’ey venu a Rome. Ao demourant il faot ęntęndre qe tous vęrbes passifs ont pour leur surpozé ę gouuęrneur, c̨eluy qi rec̨oęt la passion : ę si c̨eluy [p. 63r] qi fęt l’acc̨ion ęt exprimé ęn la claoze, il ęt gouuęrné par lę’ prepozic̨íons de, du, par, ou dęs : come je suys frappé de Pięrre : la ou Pięrre, ęt l’ajant, ę je, le pac̨ięnt.
Més com’ il soęt beaocoup d’acc̨ions sur les c̨hozes tant inanimées, q’animées deręzonables, qi ne peuuet vzer de parolle, il auient q’il ęt beaocoup de vęrbes actifs, qi ne peuuet former lę’ premieres, ę secondes pęrsones dę’ verbes passifs : si c̨e n’ęt par figure : come qant lę’ Poętes font parler la tęrre, lę’ bę́tes, ę aotres c̨hozes, qi ne peuuet parler, ny ęntęndre le sęns de la parolle.
Labourer, de vrey ęt vn vęrb’ actif, ę qi forme le partic̨ipe passif labouré, duqel l’acc̨íon s’epreuue propremęnt ęn la tęrre : mę́s come la tęrre n’eyt point de parolle, ne d’oíes, ęlle ne pourra pas dire, je suis labourée : nou’ ne luy diron’ pas aosi tu es labourée : sinon qe par figure, dont souuęnt vzet lę’ Poętes ęn toutes langes, ę qelqefoęs aosi lęs Orateurs : tout einsi qe bien souuęnt nou’ parlons aoz absęns, ou trepassez come s’il’ etoę́t prezęns.
Somme donqes qe nous estimons lę’ vęrbes veritablemęnt, ę pęrfęttemęnt actifs, qi peuuet former d’eus vn pęrfęt ę ęntier passif ęn toutes lę’ persones : c̨e qe lors auient qant l’ajant, ę le pac̨ięnt peuuet ę́tre animaos, ou aotre substanc̨ę ręzonable : come j’ęyme Pięrre : qe nou’ pouuons rezoudre par le passif, Pięrr’ ęt eymé de moę. Ao regard dęs’ vęrbes passifs qi n’ont propremęnt qe la tięrse pęrsone [p. 63v] (si c̨e n’ęt par figure) il’ peuuet ętre formęz de tous actifs qi peuuet former vn partic̨ipe passif, come jey dit.
Parqoę dormir, n’ęn peut forjer, par c̨e q’il n’a point de tęlle sorte de participes : nou’ ne dizons point de vrey, je suys dormy : ne, il ęt dormy. A la verité aosi sa sinificac̨íon sęmble plus montrer vne passíon, q’acc̨íon : d’aotant qe c̨’ęt vne c̨ęrteine violęnc̨e fętt’ ęn la partíe sęnsitiue, qi luy ęmpęc̨he sęs operac̨íons. Ę toutefoęs si nous y ajoutons la prepozic̨íon ęn, il ęt pęrfęt actif, denotant c̨eluy qi gouuęrne le vęrbe, ę́tre la caoze de l’acc̨ion : ę lors le vęrbe peut gouęrner, ę ę́tre tranzitif.
Nous appellons vn vęrb’ actif tranzitif, qant son acc̨íon se peut transferer ęn vn aotre : come, j’ęndors Pięrre, qi ęt aotant a dire, qe ie fęs dormir Pięrre : par c̨e moyen je suis la caoze qi fęt qe l’acc̨íon de dormir, s’imprim’ ęn Pięrre. Ao demourant il form’ vn partic̨ipe passif, ę subseqęmmęnt vn vęrbe passif ę pęrfet, ęn toutes sę’ pęrsones : car nou’ dizons je suys ęndormy, tu ęs ęndormy, il ęt ęndormy.
Ao surplus lę’ vęrbes actifs ę passifs sont qelqefoęs sans souspozé : ę lors leur acc̨íon ou passion ęt indetęrminée : come j’ęyme, tu ęymes, je suys ęymé, tu ęs eymé. Ao deu’ premiers dę’ qels le pac̨ient ęt indetęrminé, ę aoz aotres l’ajant.
Il faot aosi ęntęndre qe l’uzaje de la lange Franc̨oęz’ a introduit vne fac̨on de sinificac̨íon passiue, par lę’ tiersęs persones dę’ vęrbes actifs, tant du singulier, [p. 64r] qe plurier, qi sęmble bien ętranje : combien qe fort vzitée : laqęlle se fęt lors qe le surpozé ęt conjoint ao vęrbe, auęq le rec̨iproqe se, ayant sinificac̨íon de pac̨íęnt, ę non pas d’ajant : come ęn c̨ę’ trę́s, le vin se boęt, la męzon se fęt, le país se ruine : c̨e qe j’ęntęns ęn parlant propremęnt, ę sans aocune figure : tęllemęnt qe le país ne soęt pas prins pour lęs habitans, mę́s ęn sa simple sinificac̨íon.
Par c̨e moyęn qant nou’ dizons, c̨e vin se boęt, nou’ n’ęntęndon’ pas qe le vin se boęue soęmę́mes : car c̨’ęt vne c̨hoz’ impossible : ne parelłemęnt, q’une mę́zon se fass’ ęllę mę́mes, ne q’un país se ruyne soęmęmes. Car a la verité le vin ęt fęt pour ętre bu, lę’ mę́zons sont fęttes par lęs homes : ę lę’ contrées ruinées par aotres qe par ęlles mę́mes.
Come donqes nou’ n’ayons point exprimé leurs ajans, nous dirons qe c̨e sont passifs indetęrminez : ę pourtant si nou’ lę’ voulons rezoudre par le vęrb’ actif, nou’ pręndrons vn surpozé indetęrminé : come, on : de sorte qe nou’ rezoudrons, le vin se boęt, par on boęt le vin, ę la mę́zon se fęt, par on fęt la mę́zon : ę pour le país se ruine, on ruine le país.
Or auient il qelqefoęs qe nous exprimons l’ajant ou souspoze tout einsi q’ęs vęrbes passifs, auęq lę’ prepozic̨íons de, ou par : come c̨e vin se boęt par lęs yuroŋ̃es : ę lors se fęt la rezoluc̨íon tout ęinsi qe dęs aotres passifs : de sorte qe nou’ rezoudrons, c̨e vin se boęt par lęs yuroŋ̃es, lęs yuroŋ̃es boęuet ce [p. 64v] vin : de la mę́me sorte qe nou’ ferions c̨e vin ęt auallé par lęs yuroŋ̃es, ęn dizant lęs yuroŋ̃es auallet c̨e vin.
Nous auons ęncores vn’ aotre fac̨on de parler par le passif, sonant ęn actif, qazi come par vne mutuęlle recompęnse : ęn laqęlle l’ajant, ę le pac̨íant sont vne mę́me substanc̨’ ę pęrsone : tęllemęnt qe c̨’ęt vne vraye rec̨iprocac̨íon inuęntée, pour vne abbreuiac̨íon de parolles : ny ne se seufr’ ęn aotres tęrmes : come, je me suys ęymé, tu t’ęs ęymé, il, ou Pięrre, ou aotre s’et ęymé : qi sont locuc̨íons sonans ęn tęmps passé, ę non pas prezent, qoę qe je suis ęymé, son’ ęn prezęnt.
Or ęt il deręzonable de dire qe me, te, se, soę́t caoze de fę́re soner le prezęnt ęn passé : car lę’ pronoms ne sinifíet point tęms : joint qe (come díet lęs Latins) nemo dat, quod non habet : de vrey vou’ ne tirere’ pas d’une matiere, c̨e qi ny ęt pas. Si aosi nou’ dizons qe le vęrbe substantif Suys, ęs, ęt, tient le lieu de ey, as, a, pouraotant qe nou’ ne pouuons dir’ ęn notre lange, ęn ayant egart a l’uzaje : je m’ey ęymé, ę qe par c̨e moyen ęymé, soęt l’infinitif preterit, il nou’ faodra confesser, qe Suys, ęs, ęt, ne gouuęrne pas tousjours le partic̨ipe passif.
D’aotre part aosi viendra ęn auant le preterit passif, qi ęn c̨ete fac̨on de parler ne sę peut fę́r’ aotrement : car puis qe nou’ dizons j’ey eté ęymé, par le preterit passif, il faodra qe nou’ dizions, j’ey eté ęymé de moę, q’onqes bone lange Franc̨oęze ne prononc̨a : ou bien confesser, qe je me suys ęymé [p. 65r] luy succ̨ede, ę qe par conseqęnc̨e c̨’ęt le vrey preterit passif, par le partic̨ipe.
Or combien q’il y eyt grand’ apparanc̨e qe c̨e soęt le partic̨ipe preterit passif, ę qe l’vzaje l’obsęrue tęl : attęndu qe si le surpozé ęt femenin, nou’ donons tęrminęzon femenin’ ao partic̨ipe, qe l’infinitif ne peut soufrir : car il ęt immuable : de sorte qe nou’ dizons c̨ete fame s’ęt ęymée, ę non pas ęymé : il me sęmble toutefoęs qe nou’ le deuons estimer preterit actif : ę qe c̨e vęrbe suys, ęs, ęt, a vzurpé la sinificac̨íon de ęy, as, a : ę qe finablemęnt le vęrbe subsecutif ęt vn infinitif passé ę actif.
D’aotant qe tou’ partic̨ipes passifs gouuęrnet tousjours auęq lę’ prepozic̨íons de, du, dęs, ou par, j’ęntęns le souspozé qi doęt ę́tre le surpozé du vęrbe actif : come je suys eymé de Pięrre, du peuple, dęs c̨itoíens, ę par lęs soudars (combien qe par, n’ęt gieres vzité) lę’qels nou’ rezoudrons einsi par l’actif : Pierre m’ęyme, le peuple m’ęyme, lęs c̨itoiens m’ęymet, &c.
Or ęt il qe me, te, se, ęn je me suys, tu t’ęs, il s’ęt, ę nou’ nous, vou’ vous, ę ils se sont ęymé, ne sont point gouuęrnęz par nulle dęs susdittes prepozic̨íons, ny ne le peuuet ętre : come qi n’ęn seufret jamęs, ne par conseqęnc̨e d’aocuns vęrbes, qe dęs actifs par maniere d’aqizic̨íon, ou de passif : come, je te done, je te frape : ao premier dę’qels, te, ęt aqizitif, ę ao second, accuzatif, ou passif.
Or come tou’ partic̨ipes passifs ne puysset gouuęrner aocun nom, ou pronom, qe par maniere [p. 65v] d’actif, ou ajant, ę auęq lęssudittes prepozic̨íons, il nou’ faodra inferer qe c̨ete maniere de locuc̨íon n’ęt point formée par le partic̨ipe, ę qe c̨et le vrey vęrbe preterit actif, aoqel ęn c̨ete maniere de parler par rec̨iprocac̨íon de pęrsones : come je me, tu te, il se, nou’ nous, vou’ vous, ils se sont ęymé, l’uzaje a introduit suys, ęs, ęt, pour ey, as, a.
Ę combien q’on ne puysse dire, j’ey eté ęymé de moę, ę einsi dęs aotres susdiz, il ne c̨’ęnsuyt pas pourtant q’il falłe confęsser, qe je me suys eymé, doęue succ̨eder ęn son lieu : vu premieremęnt qe par la mę́me rę́zon nou’ dirons, qe c̨’ęt le preterit de l’actif : attęndu aosi qe l’uzaje ne nou’ pęrmęt non plus de dire, je m’ey ęymé, qe j’ey eté ęymé de moę : joint q’il ęt plus ręzonable de fę́re l’honeur a l’actif, q’ao passif, leqel ęt deriué de luy.
Dauantaje, lę’ partic̨ipes passifs pour la plus gran’ part, prenet le tęms du vęrbe, aoqel ils sont conjoins : tęllemęnt qe ęymé, auęq suys, ne sinifíe qe le tęms prezęnt : come, je suys ęymé de Pięrre, sinifíe aotant qe Pięrre m’ęyme. Ę si nou’ voulons former le preterit passif, nou’ prenons ey, as, a, auęq l’infinitif preterit du vęrbe substantif : come j’ey eté ęymé.
Or ęt il qe je me suys ęymé son’ ęn tęms preterit : il c̨’ęnsuyt donq qe c̨et ęyme, n’ęt pas partic̨ipe, ę par conseqęnc̨e q’il ęt infinitif passé, ę actif gouuęrnant me, te, se, nous, vous, suyuant la nature dęs actifs : aotremęnt il nou’ faodroęt dire, qe me, te, se, nous, [p. 66r] vous, es susdittes locuc̨íons, vaodroęt aotant qe de moę, toę, soę, de nous, de vous, ę qe dauantaje c̨e partic̨ipe ęymé, fút la preterit, etant ęn toutes aotres fac̨ons de parler, prezęnt : come nous l’auons dit, ę montrerons par c̨y apręs.
Par c̨ęs ręzons donqes je conclus, qe je me suis ęymé, ę lęs aotres sęmblables, sont preteriz actifs formez de l’infinitif preterit, ę actif, auęq le vęrbe substantif vzurpé pour ey, as, ao bon plęzir de noz anc̨ięns, dont aojourdhuy il nou’ faot vzer : ę par conseqęnc̨e qe c̨et infinitif doęt demourer immuable : tęllemęnt qe nou’ deuons dire, c̨ete fame s’ęt ęymé, pour ęymée : nou’ nous somęs ęymé, pour ęymez : tout einsi qe nou’ dizons, vous auez ęymé lęs jęns de bien : come je le prouuerey par c̨y apręs contre l’opinion de c̨eus qi tienet qe le preterit actif, soęt formé par lę’ partic̨ipes : suyuant laqęlle il ny a c̨eluy de nous qi ne prononc̨’ ę ecriue dę’ lourdes incongruités : lę’qęlles toutefoęs ont par faote de ręgles de Grammęr’ eté rec̨úes pour bien courtizanes, ę elegantes : come lę’ grac̨es qe je vous ey fęttes sont tęlles, qe si on vou’ lęs auoęt dittes, vou’ lę’ voudriez reconoętre : pour lę’ grac̨es qe je vous ey fęt : ę pour dittes, dit.
Passons outre, ę poursuirons doręnauant la diuersité dę’ tęms qe nous sinifíet lę’ Vęrbes.